[Entretien] Macky et la presse, Babacar Fall, UPF : Madiambal Diagne sans détour

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La cinquantième édition des Assises de l’Union Internationale de la Presse Francophone (UIPF) s’est achevée, ce jeudi 11 janvier à Dakar. À l’issue de la cérémonie de clôture de l’évènement, le Président de l’UPF, Madiambal Diagne a accordé un entretien à Seneweb pour tirer le bilan de cette rencontre rehaussée par la présence du chef de l’État sénégalais et du Premier ministre. Avec son franc-parler habituel, M. Diagne évoque justement le discours polémique du chef de l’État sur la presse locale lors de l’ouverture et donne son sentiment sur l’affaire Babacar Fall.

On vient d’assister à la clôture de la 50eme édition des assises de l’Union Internationale de la presse francophone. Que peut-on retenir de ces trois jours de rencontre ?

C’est une rencontre dont nous nous félicitons beaucoup qui a enregistré un taux de participation record. Il y avait un engouement des journalistes à venir au Sénégal. Pour cette édition , nous avons reçu 43 délégations pour 200 journalistes étrangers qui sont venus se joindre aux journalistes Sénégalais pour tenir ce symposium sur la paix, la sécurité, le rôle et la place des médias dans cette dynamique de paix et de sécurité. Ce sont des assises qui ont été aussi rehaussées par la présence du président Fonseca, ancien chef d’État du Cap Vert qui a prononcé la conférence inaugurale, qui a été d’une très haute facture et qui a permis de mettre l’eau à la bouche aux participants. Cette conférence inaugurale a été la belle amorce des discussions que nous avons eu pendant ces trois derniers jours. L’autre événement de ces assises, c’est aussi la cérémonie d’ouverture présidée par le président de la République du Sénégal et la cérémonie de clôture présidée par le Premier ministre du Sénégal. La représentation à ce niveau du Sénégal a été très appréciée par les journalistes qui sont venus du monde entier. Vous avez pu observer vous-même le dynamisme et l’engouement que les journalistes étrangers et sénégalais présents ont eu à l’endroit du président de la République Macky Sall et à l’endroit du Premier ministre chacun après sa prestation. Donc c’est vous dire nous sortons de ces assises satisfaits, confiants par rapport à la situation des médias au Sénégal, en Afrique et dans le monde et conscients aussi du rôle et de la place que le Sénégal peut jouer dans le secteur des médias mais aussi dans le renforcement de la démocratie.

“Il y a une nécessité pour la presse de mettre de l’ordre dans ses rangs. Il y a une nécessité pour la presse d’avoir le courage d’affronter la réalité et de se dire qu’il y a des brebis galeuses qui n’honorent pas le métier”

Vous l’avez dit tantôt, le président de la République a présidé la cérémonie d’ouverture. Son discours a été jugé, par certains, hostile à la presse sénégalaise. Comment analysez-vous les rapports entre le Chef de l’Etat et la presse ?

Il est heureux que vous ayez dit certains. L’unanimité n’est pas de ce monde. Si certains n’ont pas aimé, peut-être que d’autres ont aimé. Beaucoup n’aime pas le langage de vérité et ce que le président Macky Sall a dit, c’est un langage de vérité. Je suis d’ailleurs le premier à le dire avant lui. Vous-même, je suis persuadé que vous êtes convaincu par ce qu’il dit. Il y a une nécessité pour la presse de mettre de l’ordre dans ses rangs. Il y a une nécessité pour la presse d’avoir le courage d’affronter la réalité et de se dire qu’il y a des brebis galeuses qui n’honorent pas le métier. Tant que nous n’acceptons pas cela, nous serons dans la démagogie. Le président de la République a mis le doigt là où ça fait mal mais c’est aussi son rôle d’interpeller la presse et les professionnels pour le retour aux fondamentaux de leur métier. Vous savez parfaitement que ce que vous voyez à longueur de journée, ce n’est pas du journalisme ou ce n’est pas ce que vous avez appris à l’école. Pourquoi voulez-vous alors que les gens qui salissent votre profession, font tout le contraire de ce que vous voulez faire, contre votre éthique et qu’on refuse de le dire. Je trouve que c’est de la malhonnêteté. Il faut qu’on ait le courage de le dire. Nous sommes prêts à critiquer les politiques. Pourquoi n’acceptons-nous pas qu’on nous critique nous aussi ? Il faut qu’on l’accepte, c’est ça la démocratie, c’est ça la liberté d’expression. Nous voulons être respectés, nous voulons être considérés mais il faut d’abord que nous nous respectons nous même. Si nous donnons aux autres le bâton pour nous faire battre, il faut qu’on l’accepte.

“Le danger pour la presse, c’est la complaisance vis-à-vis des confrères et des consoeurs”

Je trouve que c’est de la responsabilité des journalistes de dire ce que le président de la République a dit. Avant que le président de la République n’en parle, les journalistes auraient dû le dire. Ils ne doivent pas fermer les yeux et être dans la complaisance. C’est ça le danger pour la presse, être dans la complaisance vis-à-vis des confrères et des consœurs. Quand quelqu’un ne fait pas son boulot, on doit lui dire que vous ne faites pas votre boulot. Ça ne vous honore pas que quelqu’un puisse faire du journalisme comme ça se fait à l’heure actuelle dans certaines radios et télévisions. C’est ça la vérité. Vous ne l’avez pas appris à l’école et vous refusez qu’on vous identifie à cela. En privé, vous dénoncez cela, vous le regrettez et vous en avez honte et vous refusez qu’on le dise en public. Il faut qu’on soit sincère entre nous même. Je trouve plutôt que c’est de l’hypocrisie. Ces gens qu’on stigmatise, vous n’en faites pas vos « nawle » (alter ego). Vous ne les respectez pas, vous ne les considérez pas comme des vôtres. Pourquoi alors, quand on le dit, vous vous offusquez parce que c’est des journalistes ? Vous-même croyez ce que le président Macky Sall et moi avons dit parce que ce sont les faits. Vous n’allez pas dire que Macky Sall a inventé des choses, vous n’allez pas dire que Madiambal a inventé des choses. Les faits cités sont là et vous le voyez tous les jours. Si Macky Sall arrête de le dire, moi je le dirai parce que je me sens libre et responsable aussi d’une organisation professionnelle. J’ai une responsabilité morale d’avoir dans mon organisation une centaine de journalistes Sénégalais. J’ai, dans mon organisation, des milliers de journalistes à travers le monde. Ce que j’exige des journalistes professionnels qui sont dans le monde, je l’exige des journalistes qui sont au Sénégal. Que ça plaise ou que ça déplaise, c’est ma responsabilité. Je ne m’engage pas à être dirigeant d’une organisation internationale de médias sans prendre mes responsabilités de ce point de vue. Les critères et les standards éthiques et professionnels j’y veille.

“Aucune prise de position ne justifie des menaces ou des injures”

A la suite de ce discours, le journaliste Babacar Fall a fait un commentaire qui soulève la question de l’implication des hommes politiques dans la presse ou dans la pratique journalistique. Quelle est votre position par rapport à ce débat ?

Les politiques ont le droit d’être dans la presse comme les hommes d’affaires ont le droit d’être dans la presse. Babacar Fall, puisque vous citez son nom, est employé par un homme politique, qui a un mouvement politique. Est-ce qu’il a démissionné de son emploi ? Il ne faut pas non plus qu’on jette la pierre aux autres. Si lui accepte de travailler dans une entreprise dirigée par un homme politique qui concourt aux suffrages des Sénégalais, il faut aussi qu’il accepte que d’autres Sénégalais travaillent dans les entreprises dont les moyens sont fournis par les hommes politiques. Il faut qu’on soit conséquent. On ne peut pas refuser aux autres ce que l’on fait. Je trouve que les gens sont libres d’investir dans la presse ou dans la tomate. C’est leur liberté. Si maintenant vous ne voulez pas travailler dans une entreprise dirigée par un homme politique, vous démissionnez. Aux Etats-Unis, en France, en Suisse, en Côte-d’Ivoire, partout dans le monde, des hommes politiques investissent dans les médias. La question de la liberté est personnelle. Si vous êtes dans un média ou que vous ne vous sentez pas libre, vous le quittez. Autant le patron a la liberté dans ses opinions et ses choix politiques, autant vous journaliste avez votre liberté. Je suis à l’aise pour le dire parce que moi dans ma rédaction, jamais un journaliste ne peut dire que je lui ai demandé d’écrire ou de faire contre sa volonté. Je considère que les autres doivent aussi être dans la même logique. Toutefois, aucune prise de position ne justifie des menaces ou des injures.

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