[Portrait] Ousmane Sylla : l’homme qui fait bouger Dakar Dem Dikk et Kédougou

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Ousmane Sylla, pour son relatif jeune âge, a un Cv long comme le bras qui, depuis un an et demi, s’est allongé avec ses statuts de maire de sa ville natale, de député et aujourd’hui de Directeur général de Dakar Dem Dikk. Vu le parcours de cet ingénieur généraliste sorti de l’Ecole des mines de Douai (France) et ancien haut cadre à Arcelor Mittal pendant des années, ce challenge ne lui fait pas peur. 
 

Force de Conviction

Le 14 octobre dernier, d’un pas assuré, Ousmane Sylla, Directeur général de Dakar Dem Dikk, traverse la salle d’un célèbre hôtel de la place où se tient le Gala des 100 entreprises les plus dynamiques d’Afrique. 
 
Au bout, sur l’estrade, l’attend le trophée de « Meilleur manager du transport public. ». Il prend la statuette et esquisse un petit sourire timide. Aucun triomphalisme ne transparaît sur son visage. Derrière les lunettes qui barrent son minois, un regard où luisent plutôt, à la fois, la fierté, la reconnaissance et la pleine conscience qu’il doit encore faire mieux. 
 

Ousmane Sylla n’est pas du genre à se satisfaire de si peu ou dormir sur ses lauriers. Il se définit comme un challenger dans l’âme. Et quand il parle, on sent une grande force, quelque chose d’inébranlable en lui. Cette énergie qu’il dégage, le natif de Kédougou compte bien le mettre au service du redressement définitif de Dakar Dem Dikk, société qu’il dirige depuis septembre 2022 et qui peine à se mettre sur une trajectoire vertueuse depuis sa création.

« Quand j’ai accepté la proposition du Président Macky Sall de me confier la direction de Ddd, certains de mes amis et proches ont pensé que je me fourrais dans un engrenage, tellement la réputation de cette entreprise était mauvaise. Mais, pour moi, c’est une belle occasion de contribuer au développement du pays. Nos sociétés nationales en difficulté, ce sont les Sénégalais qui doivent les redresser, c’est un défi. Si, nous, les jeunes, refusons des challenges difficiles, qui les relèveront à notre place ? Personne », martèle l’ancien haut cadre à Arcelor Mittal. 
 
Pour un instructeur en World class manufacturing, un système qui permet la transformation des entreprises, qui a déjà participé au redressement d’une entreprise en Angleterre, remettre en route la société de transport public national ne doit pas être aussi difficile qu’un chemin de chèvre. « Quand je suis parti de France pour aller en Angleterre, c’était dans le cadre du redressement d’une entreprise qui perdait l’équivalent de 2 millions d’euros par an. Grâce à notre expertise, elle gagnait finalement plus de 3 millions d’euros. C’est en ce moment que je me suis dit que je pouvais faire beaucoup de choses et pourquoi ne pas le faire en Afrique », confie le maire de Kédougou. 
 

Armé de cette conviction et fort de son penchant naturel et non affecté de servir, Ousmane Sylla revient au berçait et crée le mouvement Force citoyenne pour le progrès (Fcp) en 2017. Il avait 37 ans et déjà nantie d’une grosse expérience professionnelle à Arcelor Mittal où il fut Directeur commercial Afrique de l’Ouest après avoir été, entre autres, Directeur d’usine, Directeur industriel Europe, Directeur des opérations…

Retour au pays natal 
 
Son engagement politique s’explique par le souci, selon lui, d’influencer les actions du Gouvernement pour qu’elles impactent les populations de cette région qui l’a vu naître et qui demeure l’une des plus déshéritées du pays malgré un sous-sol riche en ressources naturelles. « Après analyse des besoins de Kédougou, ce n’est que l’État qui peut nous aider à les résoudre. N’étant pas milliardaire pour jouer aux philanthropes, mais un simple citoyen riche de ses idées, la solution c’est d’influencer les décisions et les orientations des pouvoirs publics. Pour ce faire, il fallait faire de la politique. Pas de la politique politicienne, mais de la politique qui contribue à peser sur le cours des Choses », explique-t-il. Mais était-ce la seule voie pour infléchir le cours des choses ? Pas forcément, admet Ousmane Sylla. « Mais c’est une voie capitale pour atteindre nos objectifs et réaliser nos ambitions pour Kédougou », se justifie-t-il. 
 

Le slogan « Ensemble, réinventons l’avenir de Kédougou » est lancé dans le sillage de la naissance du mouvement. Depuis, Ousmane Sylla ne se détourne pas de cette ambition. Son discours fait mouche et cinq ans plus tard, avec sa liste indépendante, il bouscule l’establishment politique local en remportant les élections locales haut la main, au nez et à la barbe, du pouvoir et de l’opposition qui contrôlait alors la commune.

L’ingénieur est désormais un personnage qui compte et rien ne se fera plus à Kédougou sans lui. Conscient de son poids électoral, la majorité présidentielle qui peinait à gagner à Kédougou, réussit à enrôler Ousmane Sylla et en fait la tête de liste départementale aux législatives de 2022. La stratégie est gagnante. L’ancien pensionnaire de l’Ecole des mines de Douai (France) devient député de Bby. Mais à peine a-t-il été installé à l’hémicycle qu’il est appelé au chevet de Ddd. 
 
Le moins que l’on puisse dire, Ousmane Sylla nourrit un attachement viscéral pour Kédougou où il a vu le jour en 1980 au Sein d’une famille pauvre dont le père était un modeste chauffeur de l’administration mis à la disposition du Sous-préfet de Salémata. C’est d’ailleurs dans ce dernier département qui abrite les célèbres chutes de Dindefelo qu’Ousmane Sylla a fait une partie de son enfance, avant de retourner, à l’âge de 12 ans, à Kédougou, avec sa maman quand ses grands frères devaient poursuivre leurs études au collège. 
 

La vie austère dans une région qui manquait presque de tout a forgé en Ousmane Sylla un mental de battant, déterminé qu’il est à se bâtir des conditions de vie moins rudes que celles dans lesquelles il a vu le jour. Ce n’est pas pour autant, précise-t-il, qu’il a vécu une enfance malheureuse. Loin de là, « Malgré cet environnement difficile, nous étions des enfants choyés par nos parents. On nous a toujours fait comprendre que nous pouvions devenir les meilleurs partout si nous y mettions de l’abnégation, de la détermination et du travail», dit-il.

Kédougou, fil conducteur d’un engagement politique 
 
Il se rappelle des travaux champêtres qu’il aimait affronter, défiant les ouvriers agricoles qui travaillaient pour son père. « Après que je suis retourné à Kédougou, je passais les vacances scolaires à Salémata pour cultiver. J’étais très dégourdi et étais le seul fils de mon père qui allait aux champs, dans le voisinage du parc Niokolo Koba. J’étais très à l’aise dans cet environnement. C’était pour moi une manière de montrer ma bravoure, ce côté d’homme viril, capable de faire des choses difficiles. C’était un challenge pour moi, car mon père aimait me mettre au défi », se remémore-t-il. C’était à une époque où, confie Ousmane Sylla, il fallait entre 8 heures et 10 heures pour faire la distance Salémata-Kédougou longue de…80 km seulement, à cause du mauvais état du tronçon. Les temps ont bien changé… Ousmane Sylla assure que le sentiment de fierté d’appartenir à cette région l’a toujours habité. Et le fait d’être issu d’une famille modeste fut une source de motivation pour lui, il en a fait un ferment sur les sillons de son parcours. « Notre passé peut nous propulser comme cela peut nous freiner. Pour moi, ça a été un moteur », confie-t-il. 
 

Après le bac décroché brillamment au lycée Technique de Kédougou qui venait d’ouvrir ses portes et un petit passage d’un an à la Faculté des Sciences et Techniques de l’Ucad, il s’envole donc pour la France en ayant cette vérité comme boussole.

Le jeune étudiant réussit à plusieurs concours d’entrée dans des écoles réputées comme les Arts et Métiers, l’Ensa, l’Université technologique de Compiègne et l’Ecole des mines de Douai. Son choix s’est finalement porté sur cette dernière pour une raison toute simple : elle avait un lien direct avec les entreprises. Mais le fait que Kédougou soit une région minière n’a-t-il pas influencé son choix ? Non, rétorque Ousmane Sylla, c’est par pur hasard. « Je suis tombé sur une plaquette de l’Ecole des mines de Douai alors que j’étais en Dut, J’ai trouvé le programme intéressant. Les étudiants qui sortent de cette école ne chômaient pas en général et pouvaient faire le concours des mines qui leur permettait d’accéder à de hautes fonctions dans l’administration. Je n’ai pas regretté mon choix parce que, avant même de finir ma formation, j’avais déjà signé mon Cdi chez Arcelor Mittal», assure-t-il. 
 
S’il a été secoué par des moments de doute, il n’a jamais été question pour Ousmane Sylla de se laisser vaincre par le découragement et donc être tenté d’abandonner les études pour, par exemple, un poste de vigile ou un petit boulot en France. Son voyage aux Etats-Unis pour un stage de six mois est un tournant. « Ce séjour m’a renforcé dans ma conviction que je pouvais atteindre mes objectifs, surtout quand j’ai vu des noirs américains occuper de grands postes de responsabilité et jouir de beaucoup de respects. À mon retour en France, ma détermination a décuplé », souligne-t-il.Une détermination qui n’a pas tardé à payer puisque dès son retour, Arcelor Mittal lui a confié des postes de responsabilité et l’a intégré dans son comité de management alors qu’il n’avait que 30 ans. Aujourd’hui, c’est au service de son pays qu’il doit mettre toutes ces compétences emmagasinées au fil des ans. 
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